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Plusieurs assouplissements décidés pour Via sicura. Mais pour quand ?

Par Sébastien Fanti

Cinq ans après l’entrée en vigueur du programme Via sicura pour améliorer la sécurité routière et réduire le nombre de morts sur les routes, le bilan est très favorable (en 2009, lors de la genèse du programme Via sicura, 349 personnes avaient perdu la vie sur la route ; en 2016, ce nombre s’élevait à 216, soit une baisse phénoménale de plus de 38%). Mais le Parlement est intervenu à de nombreuses reprises ces dernières années pour demander des allégements à certaines mesures disproportionnées. On peut citer en particulier la Motion Gschwind 15.3125 et les Initiatives parlementaires Addor 15.500, Rieder 17.413 et Regazzi 15.413.

Dans la suite de ces interpellations, le Conseil des Etats a accepté le postulat 16.3267, “Evaluation du programme Via sicura”, élaboré par la Commission des transports et des télécommunications du Conseil des Etats (CTT-CE) priant le Conseil fédéral de procéder à une évaluation de Via sicura et, le cas échéant, d’apporter les modifications législatives correspondantes.

Le Conseil fédéral a publié son rapport le 14 avril 2017. En résumé, pressé d’une part par les velléités d’adoucissements du Parlement et effrayé d’autre part par sa propre incapacité à mettre en œuvre les enregistreurs de données et les éthylomètres anti-démarrage qu’il avait lui-même fait voter, le Conseil fédéral a estimé que les effets de Via sicura étaient positifs, mais il a reconnu la nécessité d’adapter certaines mesures qui s’étaient avérées disproportionnées. A la suite de ces conclusions, la CTT-CE a décidé à l’unanimité de déposer une Motion 17.3632 réclamant des modifications législatives pondérées exposées dans le rapport d’évaluation publié par le Conseil fédéral. Cette motion a été adoptée sans vote par le Conseil des Etats en date du 11 décembre 2017 (BO 2017 E 934).

C’est cette Motion 17.3632 que le Conseil national vient à son tour d’adopter en date du 27 février 2018 par 112 voix contre 73.

Cette Motion porte sur les points suivants:
1. La réglementation concernant les délits de chauffard est corrigée, en prévoyant une marge d’appréciation pour le juge dans les cas de négligence, en abrogeant la peine privative de liberté d’un an au minimum et en réduisant la durée minimale de retrait du permis de conduire (de 24 à 6 mois).
2. L’obligation de recours des assureurs prévue à l’article 65 alinéa 3 LCR (” si les dommages ont été causés alors que le conducteur se trouve en état d’ébriété ou dans l’incapacité de conduire [= infractions graves], ou qu’il commet un excès de vitesse au sens de l’art. 90 al. 4 LCR [= délit de chauffard] “) est transformée en un droit de recours.
3. Les mesures relatives aux enregistreurs de données et aux éthylomètres antidémarrage sont abandonnées.”

Toutes ces corrections semblent frappées au coin du bon sens. Elles veulent gommer (pour les deux premiers points) certains excès malheureux – d’un programme fondamentalement adéquat et efficace qui a changé la perception du phénomène routier au sein de toute la population suisse – que de nombreux parlementaires avaient déjà relevés. Quant à la suppression des enregistreurs de données et éthylomètres anti-démarrage [art. 17a LCR], d’évidence ” téléphonée ” par un OFROU empêtré dans la difficulté de leur mise en œuvre, elle avait été préconisée par la doctrine il y a trois ans déjà (MIZEL, Quo vadis, Via sicura ?, in Anwalts Revue de l’Avocat 10/2015, p. 434ss). Cela étant, en termes de technique législative, il reste ahurissant d’abroger des dispositions qui ne sont pas encore entrées en vigueur…

Reste la concrétisation des deux premières propositions. Selon les déclarations de Madame Leuthard – alors Présidente de la Confédération – au Conseil des Etats, la procédure de consultation devrait commencer en 2018 et la révision partielle être terminée avant la fin de la législature (BO 2017 E 933 i.f. et 934 i.i.). Espérons que ce sera le cas, car le Conseil fédéral (l’OFROU) ne s’est pas montré très pressé ces dernières années de mettre en œuvre les Motions qui allaient à l’encontre de ses vues.

Ceci nous amène à une dernière réflexion : comme plusieurs parlementaires l’ont relevé, les modifications voulues par la Motion posent très peu de problèmes de rédaction.

Pourquoi les Parlementaires se limitent-ils donc à des interpellations qui mettent des années à être concrétisées, alors qu’il leur serait loisible de proposer directement une proposition de modification législative avec une date d’entrée en vigueur, tant il est vrai que l’initiative législative appartient à tout député (art. 6 LParl, RS 171.10) ?

Motion CTT-CE 17.3632. Via sicura. Adaptations (adoptée le 11 décembre 2017 par le Conseil des Etats et le 27 février 2018 par le Conseil national)